Terence Fisher

Terence Fisher, figure emblématique du cinéma britannique et artisan du renouveau de l’horreur gothique au XXe siècle, est né le 23 février 1904 à Maida Vale, un quartier de Londres. Sa trajectoire artistique, discrète mais déterminante, s’est construite à contre-courant, loin des projecteurs tapageurs d’Hollywood, pour finalement redéfinir un genre avec une audace et une esthétique inimitables. Terence Fisher quitte l’école à 16 ans et entre dans la marine marchande, avant de se tourner vers le cinéma à la fin des années 1920. Il commence comme clapman, puis gravit patiemment les échelons pour devenir monteur. Pendant plus d’une décennie, il travaille dans l’ombre, peaufinant son sens du rythme narratif. En 1948, à 44 ans, il réalise enfin son premier long métrage: «A song for tomorrow», un film musical sans grand retentissement.

Sa carrière connaît un tournant majeur en 1951 lorsqu’il rejoint la Hammer Film Productions, une modeste maison de production britannique appelée à devenir mythique. Terence Fisher y réalise plusieurs thrillers policiers, mais c’est en 1957 qu’il signe un coup de maître avec «Frankenstein s’est échappé». Le film, qui réunit Peter Cushing dans le rôle du docteur Frankenstein et Christopher Lee dans celui de la créature, impose un style flamboyant, sanglant et baroque qui relance le cinéma d’horreur britannique. Le succès est retentissant. Terence Fisher enchaîne l’année suivante avec «Le cauchemar de Dracula» (1958), un autre jalon essentiel. Il y introduit un comte Dracula sensuel et brutal, incarné par un Christopher Lee devenu iconique. Le film, à la fois scandale et triomphe commercial, établit les canons visuels du gothique moderne: couleurs saturées, décors décadents, violence stylisée. Terence Fisher devient dès lors l’architecte de la mythologie Hammer. De 1959 à 1964, il réalise une série d’œuvres qui approfondissent et diversifient son approche: «La malédiction des pharaons» (1959), «Les deux visages du docteur Jekyll» (1960), «La nuit du loup-garou» (1961), ou encore «Le fantôme de l’Opéra» (1962). Fidèle à ses acteurs fétiches comme Peter Cushing, Christopher Lee, Hazel Court, et à son chef opérateur Jack Asher, il bâtit un univers visuel cohérent, marqué par une imagerie religieuse, une fascination pour le mal, et une tension entre foi et raison.

Bien que souvent méprisé par la critique britannique de l’époque, qui voyait dans ses films des productions commerciales de série B, Terence Fisher jouit aujourd’hui d’un statut culte. Son cinéma, loin du pur divertissement, interroge la dualité de l’homme, la chute morale, et les dangers du progrès scientifique sans éthique. À la fin des années 1960, l’horreur gothique perd de son lustre au profit d’un cinéma plus réaliste et brutal. Fisher, affaibli par un accident de voiture en 1969, se retire peu à peu. Il réalise son dernier film en 1972, «Frankenstein et le monstre de l’enfer», une œuvre sombre et testamentaire, où il retrouve Peter Cushing pour un dernier baroud d’honneur.

Le 18 juin 1980, Terence Fisher s’éteint à Twickenham, dans la banlieue de Londres. Il avait 76 ans. Longtemps oublié, il est aujourd’hui célébré comme l’un des plus grands stylistes du cinéma de genre, un créateur d’atmosphères inoubliables et un pionnier d’un cinéma d’horreur à la fois viscéral et poétique. Grâce à lui, le mythe gothique a retrouvé une chair, un sang, et surtout une âme.

© Philippe PELLETIER