Buster Keaton

Joseph Frank Keaton IV naît le 4 octobre 1895 à Piqua, une petite bourgade d’agriculteurs texane. Ses parents, Joseph Keaton et Myra Cutler, tous deux acteurs de cabaret, le poussent à suivre la voie artistique. Surnommé «Buster», que l’on pourrait traduire par «casse-cou», il rejoint ses parents sur scène dès l’âge de trois ans et, sous le nom des «Trois Keaton», ils se produisent à travers les Etats-Unis, dans plusieurs vaudevilles et pièces de théâtre. Cette expérience donne au jeune Buster une technique corporelle hors du commun. À vingt ans, il s’éloigne de ses parents, surtout de son père devenu alcoolique, et part s’installer à New York où la qualité de son jeu le pousse inexorablement vers le cinématographe.

Buster Keaton débute en tant que comédien aux côtés de Roscoe Fatty Arbuckle, une des premières stars du cinéma burlesque. Entre 1917 et 1920, il apparaît avec Roscoe dans une vingtaine de productions, créant, à l’instar de Charles Chaplin et son «Charlot», un personnage introverti, ne souriant jamais, qui sera sa marque de fabrique. Puis, pendant trois ans, il met en scène avec Edward F. Cline, le personnage de Malec dans plusieurs courts-métrages comiques. À partir de 1923, il est à l’origine de quelques-uns des plus grands films de l’histoire du cinéma américain: «Les lois de l’hospitalité» (1923), «La croisière du Navigateur» (1924), «Sherlock Junior» (1924), «Les fiancées en folie» (1924), «Ma vache et moi» (1926) et «Le mécano de la Général» (1926). La précision et l’humour de l’acteur-réalisateur fait de son œuvre, aujourd’hui encore, une référence dans le Septième Art.

Le burlesque a son propre langage et l’arrivée du cinéma sonore change les codes, faisant de Buster Keaton un réalisateur et un comédien obsolète. En effet, les essais «parlant» de Keaton ne sont guère concluants. La voix n’est pas en accord avec son personnage. Ce qui faisait le charme du comédien s’en trouve définitivement changé. Marié à Natalie Talmadge, la sœur de Constance Talmadge et de Norma Talmadge, son union commence à battre de l’aile et se solde par un divorce en juillet 1932. Buster, buvant plus que de raison, entame une lente, mais irrémédiable descente aux enfers. Mis peu à peu à l’écart des studios, il continue néanmoins à travailler, n’apparaissant que dans de films médiocres où il sert de faire-valoir à des comédiens à l’humour scabreux. Néanmoins, il trouve un certain réconfort auprès de Mae Scriven, son infirmière et sa seconde épouse pendant trois ans. Il tourne aussi beaucoup en Europe. Certains grands cinéastes ne l’oublient pas. Il apparaît en joueur de bridge aux côtés de Gloria Swanson et de Erich von Stroheim dans «Boulevard du crépuscule» (1950) de Billy Wilder, où encore dans «Les feux de la rampe» (1952) de et avec son ami Charles Chaplin. En 1957, un film réalisé par Sidney Sheldon retrace sa vie avec Donald O’Connor dans le rôle de «L’homme qui n’a jamais rit».

Au début des années soixante, après avoir reçu l’Oscar d’Honneur pour l’ensemble de sa carrière, Buster Keaton bénéficie d’un regain de popularité, grâce à la restauration de ces principaux chefs-d’œuvre comme «Le mécano de la Général», «Sherlock Jr.» … Le génial artiste s’éteint, le 1er février 1966 à Woodland Hills, vaincu par un cancer du poumon, avec à son chevet Eleanor Norris sa troisième épouse. Quelques mois avant sa disparition, Buster Keaton confiait à Peter Bogdanovich: «Je souhaiterai être mis en terre avec un jeu de cartes et une rose, afin d’être prêt à toute éventualité».

© Christophe LAWNICZAK