Milos Forman

Cinéaste phare du cinéma mondial, Milos Forman, de son vrai nom Jan Tomáš Forman, naît le 18 février 1932 à Čáslav en Tchécoslovaquie. Son enfance est fracassée par la guerre. Il perd ses parents, déportés à Auschwitz, et grandit à Podebrady, élève d’un internat d’excellence que fréquente aussi Vaclav Havel. Epris de cinéma, il en étudie les arcanes à la prestigieuse Académie du film de Prague. Ses premiers longs métrages ont aussitôt un écho mondial. «L’as de pique» (1964) relate les désillusions d’un adolescent confronté au monde des adultes. «Les amours d’une blonde» (1965) porte un regard doux-amer sur le conformisme d’une société à laquelle se heurte une jeune fille trop crédule. Milos Forman s’inscrit dans la Nouvelle Vague décidée à rompre avec les codes rigides des productions communistes. «Au feu les pompiers» (1967), comédie satirique sur un bal de pompiers virant au fiasco, enflamme l’ire des autorités qui accusent le cinéaste de contribuer à saper les fondements du système socialiste en Tchécoslovaquie. Après la répression du Printemps de Prague (1968), Milos Forman, censuré dans son pays, séparé de sa deuxième épouse et de leurs fils jumeaux, part aux Etats-Unis. Un exil qui lui ouvre les portes d’Hollywood. Il tourne «Taking off» (1970), un film qui confronte les générations à travers la fugue d’une adolescente à New York, mais qui, salué en Europe, a peu d’écho auprès du public américain.

Milos Forman délaisse alors le cinéma vérité au profit du film historique. Il décide d’adapter le roman de l’américain Ken Kesey sous son titre original «Vol au-dessus d’un nid de coucou» (1975). Une ingénieuse intuition, doublée de celle de l’acteur, Jack Nicholson, interprète mémorable du rôle de McMurphy. Ce drame, qui dénonce les méthodes coercitives des asiles psychiatriques, fait écho aux systèmes répressifs des dictatures communistes. «À quel moment un individu qui met en cause l’autorité cesse-t-il d’être un héros et devient-il un fou?», interroge le cinéaste. Couronné de cinq Oscars, ce chef-d’œuvre vaut à Milos Forman une consécration internationale. Adepte des univers subversifs, le cinéaste met en scène la célèbre comédie musicale hippie, «Hair» (1978). Puis il remplace au pied levé Robert Altman pour «Ragtime» (1981), une fresque qui explore les racines du racisme aux USA. Il rentre ensuite dans son pays natal pour y tourner à Prague un autre de ses chefs-d’œuvre. «Amadeus» (1983) dépeint un Mozart aussi génial que baroque et insoumis, vu sous l’œil de son rival Salieri. Un portrait insolite au succès hors normes à l’image du musicien. Si Milos Forman subit un échec commercial avec «Valmont» (1989), d’après «Les liaisons dangereuses» de Choderlos de Laclos, il retrace avec brio la vie du pornographe «Larry Flint» (1995), biopic dont l’affiche jugée choquante est retirée, puis s’intéresse à l’excentrique comique américain Andy Kaufman, joué par Jim Carrey, dans «Man on the moon» (1998).

En 2006, Milos Forman signe et réalise «Les fantômes de Goya», hommage au peintre dans une Espagne ravagée par l’Inquisition. Acteur époux de Catherine Deneuve dans le film de Christophe Honoré «Les bien-aimés» (2010), il termine sa carrière par des apparitions dans des documentaires. À nouveau père de jumeaux avec sa troisième femme, naturalisé américain depuis 1977, Milos Forman décède à Danbury dans le Connecticut le 13 avril 2018. La ville de Prague honore la mémoire de ce «Mozart» du 7ème Art, qui n’a cessé d’ériger la liberté au fronton de ses créations, en baptisant une place à son nom. Pour réaliser «à quel point la liberté est précieuse et combien il est facile de la perdre».

© Isabelle MICHEL