Marla English

Cette brune pulpeuse a un faux air de Vivien Leigh, mais une Vivien Leigh plus aguicheuse. Elle ressemble aussi un peu à Elizabeth Taylor, mais elle n’en aura pas le destin. Comme mainte starlette de l’usine aux rêves, c’est un concours de beauté qui la révèle. À 17 ans, Marla English devient en effet «la belle des belles». Dès lors, sa carrière au cinéma aurait pu débuter sous les meilleures auspices, mais la malchance s’en est mêlée. De fait, elle est engagée dans des films prestigieux, comme «Fenêtre sur cour» (1954), de Alfred Hitchcock, mais ses scènes sont coupées au montage. En 1956, elle laisse passer une autre occasion, celle de jouer aux côtés de Spencer Tracy dans «La neige en deuil» (1956), de Edward Dmytryk. Vaccinée contre la variole, peu avant le tournage, qui doit se dérouler en France, elle est tombée malade et doit annulé sa participation. Pour d’autres, cette décision est surtout motivée par son dépit de ne pas voir engagé dans le film un acteur dont elle est tombée amoureuse.

Dès lors, Marla English, née le 4 janvier 1935, doit se contenter, pour l’essentiel, de séries B un peu fauchées. Certaines de ces bandes donnent dans l’exotisme, comme «Les rats du bled» (1955), où elle incarne une princesse orientale, ou le genre criminel, comme «Le nid aux vipères» (1955), de Gilbert Kay, qui la voit se tuer dans un accident de voiture, après avoir été fouettée par sa sœur! Mais ce qui lui réussit le mieux c’est peut-être le film d’horreur à petit budget, où sa beauté sculpturale peut être mise au service de personnages envoûtés par des hypnotiseurs aux noirs desseins. Elle tourne ainsi deux films produits par American International Pictures (AIP), la société d’un mogul aux petits pieds, Samuel Z. Arkoff, qui vise notamment le public des teenagers. Dans «The she-creature» (1956), de Edward L.Cahn, elle est sous la coupe d’un magnétiseur, Chester Morris, qui se sert d’elle pour réveiller une antique créature, dont le costume (pourtant créé par Paul Baisdell, un spécialiste reconnu) ne peut que susciter, chez le spectateur d’aujourd’hui, une hilarité peu compatible avec la terreur que le monstre est censé provoquer.

Son dernier film, «Voodoo woman» (1956), à nouveau du prolifique Edward L. Cahn, la laisse encore aux mains perfides d’un savant fou, interprété par Tom Conway, le frère de George Sanders. On la voit aussi dans des films policiers, comme «Le bouclier du crime» (1954), l’une des deux seules réalisations de Edmond O’Brien, un film plus ambitieux que les autres, ou «A strange adventure» (1956), de William Witney, une autre série B produite par Republic. Les hautes pommettes et les yeux largement fendus de Marla English la rendent crédible en Japonaise d’Hollywood pour les besoins du film «Hell’s horizon» (1955), où elle lave le linge de soldats américains interprétés par John Ireland et un inattendu Chet Baker, dans l’un de ses très rares rôles. Elle tâte aussi du western, tournant «Eperons sanglants» (1956), toujours de Edward L Cahn, où elle se retrouve attachée à un poteau et attaquée par des fourmis rouges.

A la télévision, elle participe aussi à des séries comme «Le Bob Cummings show» (1956) ou «Crossroads» (1956), dont les épisodes relatent les problèmes rencontrés, dans leurs paroisses, par des prêtres ou des pasteurs. Mais Marla English quitte l’écran, en 1957. Elle a 21 ans et épouse un homme d’affaires, auquel elle reste unie jusqu’à sa mort, le 10 décembre 2012. Plus de 50 ans de mariage et cinq enfants, on le voit, la vie de famille a, pour elle, plus d’attrait que les paillettes d’Hollywood.

© Jean-Pascal LHARDY