Lionel Jeffries

Lionel Charles Jeffries naît le 10 juin 1926 à Forest Hill, dans le sud de Londres, au sein d’une famille de la classe moyenne britannique. Lionel Jeffries grandit dans une Angleterre en mutation, entre les séquelles de la Première Guerre mondiale et les prémices de la Seconde. Enfant espiègle et curieux, il développe très tôt un goût prononcé pour le théâtre, encouragé par ses parents. Mais son destin artistique doit attendre: à 19 ans, il s’engage dans l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale. Servant dans le Royal Army Service Corps, il est envoyé en Birmanie. De retour au pays après la guerre, il décide de suivre sa passion première: le théâtre. Il étudie à la Royal Academy of Dramatic Art (RADA), l’une des institutions les plus prestigieuses du pays.

Lionel Jeffries commence sa carrière sur les planches à la fin des années 1940, enchaînant les rôles au théâtre tout en faisant ses débuts à l’écran. Il apparaît dans des films de série B et des productions modestes, se forgeant peu à peu une solide réputation d’acteur de caractère. Dans les années 1950, il se spécialise dans des rôles comiques ou de figures d’autorité légèrement ridicules, exploitant à merveille son physique atypique et sa diction énergique. Son style, teinté d’une exubérance toute britannique, le rend immédiatement reconnaissable. Il accède à la notoriété grâce à son rôle dans «Ceux de Colditz » (1954), un film de guerre de Guy Hamilton acclamé où il incarne un officier britannique prisonnier des nazis. Cette performance lui ouvre les portes du cinéma populaire britannique, où il s’impose dans des comédies à succès comme «Paradis des voleurs» (1959) et «Le procès d’Oscar Wilde» (1960), auprès de Peter Finch dans le rôle-titre. Il est apprécié pour son rythme comique, son autorité bienveillante et son sens de l’absurde. En 1968, il marque les esprits en incarnant le père excentrique de Caractacus Potts dans «Chitty Chitty Bang Bang» de Ken Hughes, une comédie musicale emblématique de l’époque. Ironie du sort, bien qu’il joue le père de Dick Van Dyke, Jeffries est en réalité six mois plus jeune que lui.

Mais Lionel Jeffries ne se contente pas d’être acteur. Au début des années 1970, il passe derrière la caméra. Il réalise et adapte «Les enfants du chemin de fer», d’après le roman d’Edith Nesbit. Le film connaît un succès critique et commercial immédiat, devenant un classique du cinéma familial britannique. Il réalise ensuite une poignée de films, dans les années 1970, dont «The amazing Mr. Blunden» (1972), confirmant son intérêt pour les récits à hauteur d’enfant. Cependant, sa carrière de réalisateur ne connaît pas la même longévité que celle d’acteur. Il continue à apparaître à la télévision et au théâtre tout au long des années 1980 et 1990, souvent dans des rôles de patriarches ou de personnages excentriques.

Marié à Eileen Mary Walsh dès 1951, le couple a trois enfants. Discret sur sa vie privée, Lionel Jeffries privilégie une existence familiale paisible loin des excès du star-system. Dans les dernières années de sa vie, il se retire peu à peu du devant de la scène, souffrant de problèmes de santé, dont la démence vasculaire. L’acteur s’éteint le 19 février 2010 à l’âge de 83 ans, laissant derrière lui une carrière riche et multiforme. À la fois acteur, réalisateur et homme de théâtre, il incarne une époque du cinéma britannique faite de charme, de fantaisie et de rigueur. Moins flamboyant que certains de ses contemporains, il reste malgré tout dans les mémoires comme un visage familier du grand écran.

© Philippe PELLETIER