Setsuko Hara

Masae Aida est née le 17 juin 1920 à Yokohama, ville de la préfecture japonaise de Kanagawa. Elle grandit au sein d’une famille nombreuse, elle a trois frères et quatre sœurs. Son beau-frère, le futur réalisateur Hisatora Kumagai, alors assistant du cinéaste Tomotaka Tasaka, l’incite à quitter l’école et à se lancer dans une carrière au cinéma. Elle n’a pas encore 15 ans, quand le studio Nikkatsu lui fait signer un contrat, elle débute dans «N’hésitez pas jeunes gens» (1935) de Tetsu Taguchi, sous le pseudonyme de Setsuko Hara.

L’année suivante, Setsuko Hara est engagée dans un film de propagande censé sceller l’amitié entre le Japon et l’Allemagne, «La fille du samouraï», dirigé par Arnold Fanck et Mansaku Itami, où elle est la partenaire de Sessue Hayakawa. Dans ces années 30, elle tourne beaucoup, mais peu de films traversent les frontières et beaucoup seront détruits pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans la décennie suivante, bien que les hostilités ralentissent considérablement sa carrière, ses rôles sont souvent axés vers le nationalisme et l’impérialisme. Dès la capitulation du Japon, elle montre les souffrances d’un peuple victime de la politique de ses dirigeants et incarne des rôles de femmes sacrificielles, fatalistes mais combatives qu’elle que soit la tragédie qu’elle doit affronter. Citons par exemple «Le bal de la famille Anjo» (1947) de Kôzaburô Yoshimura, où après la défaite de l’Empire, la famille Anjo doit abandonner leur maison et leur mode de vie, leur fille, incarnée par Setsuko Hara, tente d’empêcher son père de se suicider et de trouver une place dans le pays détruit. Sa carrière prend un tournant décisif sous la direction de Yasujiro Ozu, ce dernier va lui façonner sa filmographie et lui faire connaître une postérité méritée. Au travers de sa beauté expressive, le cinéaste met en valeur les vertus de la femme japonaise traditionnelle: loyauté, sacrifice de soi, souffrance silencieuse, ou encore la fille parfaite, comme en témoigne «Printemps tardif» (1949) où, pour leur première collaboration, Ozu lui donne le rôle de Noriko, qui après le décès prématuré de sa mère, vit heureuse avec son père, Chishû Ryû, mais il souhaite qu’elle se marie, d’abord réticente à l’idée de le laisser seul, elle finit par accepter, mais petit à petit le père ressent la solitude. Dans le film d’Ozu sur le comportement humain «Voyage à Tokyo» (1953), elle prend en charge ses beaux-parents délaissés par leurs propres enfants, cette belle-fille dévouée, veuve de leur fils mort à la guerre, les emmène faire une visite guidée en bus dans Tokyo. Sur le même thème, pour Mikio Naruse, dans «Le grondement de la montagne» (1954), Setsuko Hara campe une épouse trompée et méprisée. Dans «Crépuscule à Tokyo» (1957), elle retrouve Yasujiro Ozu qui signe un drame familial, où elle quitte son mari alcoolique et grossier, pour revenir dans la maison familiale, avec sa jeune sœur enceinte et abandonnée, elle vont découvrir l’existence d’une mère qu’elle croyait morte. Elle tourne encore avec Ozu «Fin d’automne» (1960) et «Dernier caprice» (1961) qui marque leur dernière collaboration. Le décès de son pygmalion affecte l’actrice qui se retire en 1962.

Après sa retraite anticipée à 42 ans, Setsuko Hara refuse toute photo et interview, ce qui fait dire à la presse, que l’actrice est la Greta Garbo du Japon. Après un demi-siècle de discrétion, celle qui fut surnommée la reine Vierge du cinéma japonais, décède d’une pneumonie à l’âge de 95 ans. Jamais mariée et sans enfant, la star japonaise incontestée de l’après-guerre avait reçu de nombreux prix.

© Gary RICHARDSON