Alice Faye

Née le 5 mai 1915, Alice Faye, née Alice Jeanne Leppert, débute, comme bien des starlettes de sa génération, dans le milieu féroce du music-hall. D’abord chorus-girl, elle trouve la chance de sa vie en obtenant un rôle notable dans une revue de Broadway, les «George White’s scandals», où débutent de grands noms du «musical», comme Ethel Merman, Rudy Vallée ou Ann Miller. Le sort continue à la favoriser, car Lilian Harvey, qui devait tenir le principal rôle féminin dans l’adaptation de la revue au cinéma, déclare forfait, et c’est Alice Faye qui la remplace.

Le succès du film, «Cocktail d’amour» (1934), de George White, est immédiat. La carrière de l’actrice est lancée, d’autant que le grand producteur Darryl F. Zanuck, le dirigeant de la Fox, la prend sous son aile. Une décision d’ailleurs plus profitable à sa propre carrière qu’à celle de la comédienne. En effet, les stars de l’époque sont formatées par les grands studios comme des marchandises, sans qu’elles aient voix au chapitre. En l’occurrence, Zanuck décide de faire de Alice Faye un sosie de Jean Harlow. Mais les cheveux blond platine et les sourcils épilés ne suffisent pas, et l’actrice a beau prendre des poses lascives, l’opération de clonage ne prend pas. Elle est trop bonne fille pour tourner la tête des hommes. Le mogul se le tient pour dit et réserve alors à l’actrice une série de comédies musicales insipides où son tempérament popote et ses talents vocaux modérés trouveront à s’exprimer. Parmi ces films interchangeables, mais qui remportent un succès considérable, on peut citer «Music is magic» (1935), de George Marshall, «Chante, bébé, chante» (1936), de Sidney Lanfield, avec Adolphe Menjou, «La folle parade» (1938), de Henry King, avec Tyrone Power, et un partenaire qu’elle retrouve souvent à l’écran, le sémillant Don Ameche, «Adieu Broadway» (1940), de Walter Lang, où elle côtoie sa rivale (mais amie dans la vie) Betty Grable ou encore «Banana split» (1943), de Busby Berkeley, où la coiffure de bananes de la kitchissime Carmen Miranda lui vole la vedette.

Dans cet océan de médiocrité, on peut sauver quelques films plus ambitieux, comme «L’incendie de Chicago» (1937), de Henry King, toujours avec Don Ameche et Tyrone Power, ou un musical moins mièvre, «Le roman de Lillian Russell» (1940), de Irving Cummings, une biographie romancée de cette chanteuse de la Belle Epoque. Alice Faye finit par se lasser. Sans aller jusqu’à rompre des lances avec les studios, comme Bette Davis ou Olivia de Havilland, l’actrice décide tout bonnement de se retirer, en 1945, et de se consacrer à son mari, le chef d’orchestre Phil Harris, et à ses deux filles.

Daryl F. Zanuck parvient à la faire changer d’avis en lui proposant, dans un film noir, un personnage différent de tous ceux qu’elle a interprétés jusque-là. Mais son rôle dans «Crime passionnel» (1945), de Otto Preminger, étant finalement réduit au profit de celui de Linda Darnell, Alice Faye prend la mouche et tourne le dos au cinéma, où elle ne revient qu’à de très rares occasions. Ne quittant pourtant pas le monde du spectacle, elle participe, avec son mari, à une populaire émission de radio où les deux époux jouent leurs propres rôles. C’est un cancer qui emporte l’actrice, le 9 mai 1998, quatre jours après avoir célébré son 83ème anniversaire. Souvent comparée à Jean Harlow et à Betty Grable, la blonde Alice Faye n’avait ni l’érotisme à fleur de peau de la première ni la beauté pour magazine de la seconde.

© Jean-Pascal LHARDY