Anne Heche

Il est des destins fracassés qui commencent et finissent mal. Anne Heche en a été victime, sans que sa riche carrière ait pu faire œuvre de résilience. Actrice et cinéaste américaine, elle naît le 25 mai 1969 à Aurora dans l’Ohio. Dernière d’une fratrie de cinq enfants, elle révèle avoir été violée jusqu’à l’âge de 12 ans par son père, pourtant organiste et directeur de chœur dans une église baptiste. Atteint du sida, son géniteur décède en 1983, son frère aîné perd la vie dans un accident de voiture et ses relations avec sa mère sont conflictuelles... Sortie de cette enfance malmenée, Anne Heche poursuit des études qui l’orientent vers la comédie. Jolie bonde au visage diaphane, elle débute en incarnant des jumelles pour une série télévisée «Another World» (1987/91), puis bifurque vers le cinéma. Après quelques rôles mineurs, elle tient la vedette, auprès de Christopher Walken, en call girl enrôlée par le FBI, dans «The wild side» (1994) de Donald Cammell. Et s’affiche aux côtés de Demi Moore et Alec Baldwin dans «La jurée» (1995) de Brian Gibson. Deux films vont la consacrer meilleur second rôle par la «National Board of Review», d’abord en épouse de Johnny Depp, infiltré au sein de la mafia new-yorkaise, dans «Donnie Brasco» (1996) de Mike Newell, puis en conseillère du président des Etats-Unis, empêtré dans un scandale sexuel, avec Robert De Niro et Dustin Hoffman, dans «Des hommes d’influence» (1997) de Barry Levinson.

Sa notoriété installée, Anne Heche enchaîne les tournages avec éclectisme. Géologue auprès de Tommy Lee Jones dans le film catastrophe «Volcano» (1996) de Mick Jackson, pourchassée dans une jungle hostile aux côtés de Harrison Ford dans la comédie «Six jours, sept nuits» (1997) de Ivan Reitman, elle affronte la terreur dans les films d’épouvante «Souviens-toi… l’été dernier» (1997) de Jim Gillespie et «Psycho» (1998) de Gus Van Sant, calqué sur le film de Alfred Hitchcock «Psychose» (1960). Sans oublier les drames «Loin du paradis» (1997) de Joseph Ruben, entre Vince Vaughn et Joaquin Phoenix, et «John Q» (2000) de Nick Cassavetes, avec Denzel Washington.

L’actrice explore aussi l’autre versant du cinéma, en signant et réalisant «Stripping for Jesus» (1998), une comédie noire sur les croyances religieuses évangéliques. Et récidive en collaborant à «Sex révélations» (1999), un film qui met en scène des couples de lesbiennes et se fait l’écho de sa propre histoire. Anne Heche vit avec l’humoriste Ellen De Generes de 1997 à 2000. Si l’aveu de son homosexualité n’est pas du goût d’Hollywood, l’actrice, moins sollicitée, remporte de beaux succès au théâtre et sur petit écran. Réconciliée avec les hommes, elle met au monde deux fils avec chacun des deux compagnons qui partagent désormais sa vie. Le cinéma reste dans ses gênes. L’actrice se distingue encore en médecin confronté à une épidémie suspecte dans «Toxic skies» (2007) de Andrew C. Erin. Elle tourne ensuite dans des productions inégales, mais de genres toujours pluriels, comme «Les portes de l’enfer: la légende de Stull» (2012), film d’horreur de Anthony Leonardi III, «Opening night» (2015), comédie musicale de Isaac Rentz, «The vanished» (2019), thriller trépidant de Peter Facinelli ou encore «13 minutes» (2020), film catastrophe de Lindsay Gossling. C’est avec un film d’épouvante, «Full ride» (2022) de Beth Hanna et Jerren Lauder, que la carrière de Anne Heche s’achève et sonne, ironie du sort, sa fin tragique. Drogue ou abus d’alcool? Après que sa voiture a percuté une villa et pris feu, l’actrice plongée dans le coma décède le 12 août 2022. A 53 ans. Et sans que son nom ait pu se graver dans la postérité.

© Isabelle MICHEL