Ray Harryhausen

Ray Harryhausen est un magicien. Loin de la perfection stéréotypée des images numériques, ses trucages ont toute la poésie évocatrice des contes de fées de notre enfance. Ses personnages empruntent la maladresse touchante du rêve et ne prétendent jamais s’insérer dans le réel. Ce sont des créatures d’un autre monde, filles de l’imaginaire. Né le 29 janvier 1920, à Los Angeles, Ray Harryhausen, de son vrai nom Raymond Frederick Harryhausen, crée, un peu avant la guerre, des effets spéciaux pour des courts-métrages, notamment les «Puppetoons», d’un autre grand nom de l’animation, George Pal. Il commence dès lors à perfectionner sa technique du «stop-motion», qui consiste à créer l’illusion qu’une figurine manipulée de l’extérieur bouge d’elle-même. Il devient, au fil des ans, un véritable expert de ce procédé d’animation image par image, qu’il fait en quelque sorte breveter sous l’appellation de «Dynamation».

Et pourtant, le grand Willis H. O’Brien, responsable des effets spéciaux de «King Kong», dont il devient l’assistant, critique ses premiers essais et lui conseille de suivre des cours de sculpture ou d’arts graphiques. Leur premier film ensemble, «Mighty Joe Young» (1949) de Ernest B. Schoedsack, permet à Ray Harryhausen, à qui son maître laisse les coudées franches, de créer, avec l’aide de Marcel Delgado, un gorille géant plus ressemblant que celui du roi Kong, et capable de mouvements moins mécaniques, notamment au cours d’une poursuite où il se réfugie à l’arrière d’un camion. Puis, Ray Harryhausen commence à travailler au premier film où il est en charge des effets spéciaux, «Le monstre des temps perdus» (1953), d’après un livre de son ami Ray Bradburry, et réalisé par un autre grand spécialiste du genre, Eugène Lourié. Dans ce film, Ray Harryhausen donne vie à un immense dinosaure, ou plutôt à un Tyrannosaure Rex, réveillé de son hibernation par une explosion atomique.

Ce grand technicien prend aussi l’habitude de s’impliquer dans tous les aspects de la réalisation d’un film, de la production ou de l’élaboration du scénario à la direction artistique, et, n’étaient les règles strictes de la «Director’s Guild», pourrait à bon droit se considérer comme le véritable auteur du film. Il veille aussi à ce que ses personnages s’intègrent à l’action, tout en conservant leur magie propre. Ray Harryhausen doit beaucoup au producteur Charles H. Schneer, qui travaille dans l’unité de films B dirigée, à la Columbia, par Sam Katzman. De leur collaboration naît une série de films fantastiques qui, avec le recul, fascinent par la fraîcheur de leurs trucages et une sorte d’esprit d’enfance. Les contraintes budgétaires sont strictes et obligent par exemple Ray Harryhausen à n’animer que six des huit tentacules de la pieuvre géante de «Le monstre vient de la mer» (1955) de Robert Gordon, que, par dérision, il baptise «sixtopus» (au lieu d’«octopus», qui signifie pieuvre en anglais). Elle ne l’empêchent cependant pas d’animer les soucoupes volantes de «Les soucoupes volantes attaquent» (1955) de Fred F. Sears, le lézard géant de «A des millions de kilomètres de la terre» (1956) de Nathan Juran ou l’écureuil et l’alligator de «Les voyages de Gulliver» (1960) de Jack Sher et même les Sélénites insectiformes de «Les premiers hommes dans la lune» (1964) de Nathan Juran. Et comment oublier le merveilleux duel entre Jason et les squelettes dans «Jason et les argonautes» (1962) de Don Chaffey et aussi ces terrifiantes apparitions de Méduse, dans son dernier film en tant que responsable des effets spéciaux, «Le choc des Titans» (1980) de Desmond Davis. C’est à Londres que Ray Harryhausen décède, le 7 mai 2013.

© Jean-Pascal LHARDY