Dan Seymour

L’œil torve et le béret basque vissé sur la tête, la bedaine comprimée par un large veston croisé, ainsi nous apparaît Dan Seymour dans «Le port de l’angoisse» (1944), de Howard Hawks. Il y incarne un policier vichyste s’efforçant de traquer les résistants, à commencer par le patron-pêcheur interprété par Humphrey Bogart. Comme à son habitude, il n’est pas sympathique. Sa présence massive, un peu adipeuse, et la suavité de manières qui cachent de lourdes menaces, le vouaient aux rôles déplaisants.

Sa démarche un peu chaloupée, son visage en sueur et sa diction lente ne laissent pas d’inquiéter. Dan Seymour, né le 22 février 1915, le sait et se sert de cette allure patibulaire pour composer des Levantins un peu huileux, comme le Marocain Abdul, un de ses rôles les plus connus, le ventripotent portier du «Rick’s Café» dans le mythique «Casablanca» (1942), de Michael Curtiz, le Turc de «Kismet» (1944), de William Dieterle, ou celui de «Désir de femme» (1944), de Sam Wood. Ces rôles «exotiques», l’acteur s’en voit d’ailleurs confier d’autres: le garde indigène de «Rythm of the island» (1943), de Roy William Neil, le chef touareg de «La belle esclave» (1947), de Charles Lamont ou encore le chef indien de «L’homme qui n’a jamais ri» (1956), de Sidney Sheldon, qui retrace la vie et la carrière de Buster Keaton. En effet, Dan Seymour ne dédaigne pas la comédie, où il n’hésite pas à se pasticher lui-même. Il sert ainsi de faire-valoir comique, mais imperturbable, aux amuseurs les plus populaires de l’époque: coiffé d’un fez (une fois encore!), il joue un chef de la police désorienté par les jeux de mots de Groucho Marx dans «Une nuit à Casablanca» (1946), de Archie Mayo et il retrouve, à l’armée, les inénarrables Bud Abbott et Lou Costello dans «Deux nigauds légionnaires» (1950), de Charles Lamont.

Mais ce n’est pas vraiment son emploi. Sa spécialité, ce sont les méchants «de poids», que son obésité rend quelque peu répugnants. Des «heavy», comme disent les Américains. Ce n’est pas faute, pourtant, d’avoir essayé de maigrir. En 1945, et durant 16 mois, l’acteur suit un régime draconien et passe de plus de 170 kilos à quelque 120 kilos. De fait, il n’a plus, dans les rôles qui suivent, ces rondeurs imposantes qui, au début de sa carrière, semblaient occuper tout l’écran. Ce qui ne l’empêche pas de composer encore de mémorables durs, comme ce malfrat de «La cinquième chaise» (1944), de Richard Wallace, au nom emblématique de «Fatso», ou l’homme de main du gangster interprété par Edward G. Robinson dans «Key Largo» (1948), de John Huston. Il apparaît plus policé dans «Un fils accuse» (1946), de William Dieterle, où aminci par son récent régime, il porte l’habit avec élégance.

La carrière de Dan Seymour, dont les rôles restent souvent très secondaires, s’essouffle à la fin des années 50. Il se tourne alors vers la télévision, où il participe à des séries aussi populaires que «Les incorruptibles» (1960/62), «Perry Mason» (1957/65), avec Raymond Burr, ou encore «Batman» (1966), avec Adam West dans le rôle-titre, où il incarne un jovial maharadjah, dont on veut voler les clubs de golf en or massif! L’acteur qui, au début de sa carrière, avait animé des spectacles, et présenté, au cabaret, un numéro burlesque de danseur-chanteur bedonnant, ne dédaigne pas non plus la radio, où il participe notamment à une anthologie d’histoires criminelles et policières. Dan Seymour succombe aux suites d’une crise cardiaque le 25 mai 1993.

© Jean-Pascal LHARDY