Frank Capra

Frank Capra, de son vrai nom Francesco Rosario Capra, est né le 18 mai 1897 à Bisacquino, en Sicile. Comme beaucoup d’Italiens pauvres, les Capra émigrent aux Etats-Unis en 1903 et s’installent à Los Angeles. Très jeune, Frank vend des journaux pour aider sa famille et fait des petits boulots à l’université pour payer ses études. C’est un peu par hasard qu’il entre dans la grande famille du cinéma à l’orée des années 20.

Il est souvent de bon ton de se gausser du sentimentalisme larmoyant et du prêchi-prêcha moralisateur des grandes comédies de Frank Capra pour la Columbia. En fait, cet homme est un humaniste. Un optimiste aussi, qui croit à la contagion de la joie et de l’amour humain. Et qui pense que certaines causes valent encore d’être défendues: la démocratie, la justice, l’égalité, la solidarité. Quand la vieille «Apple» Annie se rend compte que l’élite de la ville, Maire en tête, s’est donné la main pour faire croire à sa fille qu’elle fait partie de la haute société dans «Grande dame d’un jour» (1933), avec May Robson (et Bette Davis dans le remake de 1961), quand Edward Arnold, dans «Vous ne l’emporterez pas avec vous» (1938), retrouve la fraîcheur de sa jeunesse auprès de Lionel Barrymore, quand James Stewart s’époumone à la tribune du Sénat américain pour obtenir la construction d’un camp de vacances pour les enfants dans «M. Smith au Sénat» (1939), quand le même encore, dans «La vie est belle» (1946), s’aperçoit que la fraternité est le seul vrai gage de bonheur ici-bas, on se prend, nous aussi, à croire un instant à l’Humanité. Pensons encore à «L’extravagant M. Deeds» (1936), alias Gary Cooper, qui distribue sa fortune aux pauvres, à la vallée heureuse de «Shangri-La», où l’on ne vieillit pas, dans «Les horizons perdus» (1937) ou à cet «Homme de la rue» (1941), toujours incarné par Gary Cooper, dont la candeur est exploitée par une Barbara Stanwyck ambitieuse.

Les esprits forts n’ont pas manqué de brocarder ce qu’ils nomment la naïveté un peu niaise de ces films. Et pourtant, les bons sentiments ne l’emportent que de justesse, et les «méchants» et les égoïstes, parfois campés par Edward Arnold ou Lionel Barrymore, y ont la partie belle et le champ libre. Mais, c’est vrai, la justice ou l’honnêteté triomphent, car Frank Capra ne croit pas à la fatalité du désespoir.

Mais il y a aussi le Frank Capra des débuts, dans les années 20, le gagman inspiré de Hal Roach, le scénariste de Mack Sennett et le metteur en scène de certains des meilleurs films du grand comique Harry Langdon : «Plein les botte » (1926), «L’athlète incomplet» (1926) ou «Sa dernière culotte» (1927). N’oublions pas non plus sa contribution à la «screwball comedy», avec le merveilleux «New-York Miami» (1934), où Clark Gable et Claudette Colbert s’affrontent à fleurets mouchetés, servis par un dialogue spirituel en diable, ni sa participation à la comédie «british», avec le brillant «Arsenic et vieilles dentelles» (1944), porté par un Cary Grant en grande forme, et où le «non sense» s’enchâsse dans des répliques à double sens. Patriote et fier d’un pays d’adoption qui lui a tout donné, Capra a enfin réalisé, avec un talent consommé du montage, ce chef-d’œuvre du documentaire de guerre, «Pourquoi nous combattons» (1942-1945), consacré aux opérations militaires de la Seconde Guerre Mondiale. Frank Capra est décédé le 3 septembre 1991 à La Quinta, en Californie.

© Jean-Pascal LHARDY