Jane Birkin

Son nom reste à jamais lié à son alter ego, Serge Gainsbourg, et aux chansons qu’il a composées pour elle. Jane Birkin, chanteuse, mais aussi actrice et cinéaste, voit le jour le 14 décembre 1946 à Londres au sein d’une famille de la gentry anglaise. Son père David Birkin, amiral dans la Royal Navy et sa mère, l’actrice Judy Campbell, auront trois enfants, deux filles et un fils. Les premiers pas de Jane au cinéma mettent en valeur sa plastique juvénile plus que ses talents de comédienne. C’est le cas du film de Michelangelo Antonioni, «Blow-Up» (1966). Décidée à tenter sa chance en France, la jeune débutante tourne auprès de Romy Schneider et Alain Delon dans «La piscine» (1968) de Jacques Deray, irradiant le film de sa silhouette gracile et de son visage ingénu. Vedette du film de Pierre Grimblat, «Slogan» (1969), elle y fait la rencontre de sa vie. L’acteur principal et auteur de la musique du film n’est autre que Serge Gainsbourg qui devient son deuxième époux, après John Barry, et son pygmalion. De la sulfureuse chanson qu’ils interprètent en duo, «Je t’aime, moi non plus», Serge Gainsbourg en fait le titre d’une romance (1975), confiant à Jane Birkin, à l’allure androgyne, le rôle d’une femme éprise d’un homme qui aime les hommes. L’artiste concocte surtout à son égérie des chansons mémorables qu’elle entonnera de sa voix frêle et aérienne, colorée d’un fort accent anglais, jusqu’à la fin de sa vie.

Poursuivant sa carrière au cinéma comme au théâtre et vedette populaire en France, Jane Birkin, après avoir été l’amante de Brigitte Bardot dans «Don Juan 73» (1972), de Roger Vadim, joue de sa fantaisie auprès de Pierre Richard dans deux comédies de Claude Zidi, «La moutarde me monte au nez» (1974) et «La course à l’échalote» (1975). Le cinéma d’auteur, qu’elle a tâté avec «Le mouton enragé» (1973) de Michel Deville, révèle une actrice plus profonde grâce au réalisateur Jacques Doillon. «C’était la première fois qu’une personne tournant des films dits intellectuels pensait à moi», dira-t-elle. Dans «La fille prodigue» (1980), elle incarne une jeune femme qui, partie revivre chez ses parents, commet l’inceste avec son père joué par Michel Piccoli. Jane vient de quitter Serge Gainsbourg évoluant en «Gainsbarre» alcoolique et déjanté. Elle s’unit à Jacques Doillon. Et, comédienne accomplie, tourne sous sa direction «La pirate» (1983), drame évoquant l’ambigüité sexuelle d’une femme écartelée entre l’amour de son mari et sa passion pour son amie.

Toujours habitée par l’ambivalence des rapports entre hommes et femmes, Jane Birkin excelle dans «Dust» (1984), de Marion Hänsel. Elle est Magda, recluse dans une ferme en Afrique du Sud, qui veille sur son vieux père, campé par Trevor Howard, et l’assassine par jalousie lorsqu’il tombe amoureux d’une jeune noire. Primée pour sa performance, l’actrice intrigue Agnès Varda qui en fait le portrait sous toutes ses facettes dans «Jane B. par Agnès V.» (1987). Très engagée dans l’humanitaire, Jane Birkin collabore à «Ecrire contre l’oubli» (1991) pour soutenir les prisonniers politiques. En 2006, elle signe un film introspectif, «Boxes», dans lequel une femme revit son passé, entourée de ses trois filles nées de pères différents. Déjà scénariste d’un téléfilm en 1992. «Oh pardon! Tu dormais…», sombre tableau d’un couple qui se déchire, elle en reprend le titre pour un album (2020) coécrit avec Etienne Daho et dédié à sa fille aînée Kate, morte en 2013. Fière d’un destin hors normes, Jane Birkin, vaincue par la maladie, s’éteint chez elle à Paris le 16 juillet 2023. Pour «fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve».

© Isabelle MICHEL