1939 Derrière la façade – de Georges Lacombe & Yves Mirande avec Lucien Baroux & Gaby Morlay | 1948 Vire-vent – de Jean Faurez avec Roger Pigaut, Sophie Desmarets, Louis Seigner & Guy Decomble | 1950 Sous le ciel de Paris – de Julien Duvivier avec Paul Frankeur, Brigitte Auber & Jean Brochard | 1959 Le testament du docteur Cordelier – de Jean Renoir avec Jean-Louis Barrault & Jean Topart | ||
«Y’a un cadavre dans la contrebasse». On entend Raymone, avec une voix de petite fille montée en graine, indiquer à qui voulait l’entendre, dans «Des pissenlits par la racine» (1963), de Georges Lautner, qu’un corps se cachait dans l’instrument. Avec sa coiffure sage et sa physionomie un peu banale de paroissienne timide, on a un peu de mal à croire que Raymone fut la compagne et la muse de Blaise Cendrars, qu’elle épouse en 1949. Elle lui inspira pourtant une passion durable, qui ne s’acheva qu’avec la vie du poète.
Née Raymone Duchâteau, le 11 août 1896, l’actrice, attirée par le théâtre, intègre la prestigieuse troupe de Louis Jouvet au milieu des années 20. Elle débute en 1925, sous la direction du maître, dans «Le mariage de Monsieur Le Trouhadec», une pièce de Jules Romains. Dans le cours d’une carrière théâtrale qui dure près de 40 ans, elle fréquente beaucoup l’œuvre de Jean Giraudoux, dont elle joue deux fois l’une des pièces fétiches, «Intermezzo», mais aussi «Le voyageur sans bagages» ou «La folle de Chaillot». Elle sert également de grands auteurs, comme Gogol, Ibsen, Anouilh ou même Molière.
Raymone aborde le cinéma aux temps du muet. Elle y commence sa carrière en interprétant, dans «Tristan et Yseult» (1920), de Maurice Mariaud, le modeste rôle de la servante d’Yseult. Par la suite, on lui en propose rarement de plus notables. Raymone passe sur l’écran juste le temps qu’il faut pour qu’on puisse apercevoir sa silhouette un peu charnue. Elle est souvent vouée aux tâches ancillaires: c’est la camériste de Madeleine Ozeray, dans «La dame de pique» (1937), de Fédor Ozep, une employée de l’hôtel du Nord, dans le célèbre film du même nom, de Marcel Carné en 1938, ou la bonne de la propriétaire d’un immeuble de rapport dans le spirituel film de Yves Mirande, «Derrière la façade» (1939). Il lui faut parfois se contenter d’être la «dame des lavabos», dans «Café de Paris» (1938), du même réalisateur, ou une voisine, dans «Ramuntcho» (1937), de René Barberis. Humbles emplois, qui ne procurent pas même un nom à des personnages aussi éphémères que rapidement crayonnés. Mais parfois elle quitte l’office pour s’installer un peu plus longtemps sur l’écran. Elle incarne alors la femme de Jean Brochard, un ouvrier gréviste, tué par une balle perdue, dans le très beau film de Julien Duvivier, «Sous le ciel de Paris» (1950), ou la mère de Sylvia Montfort dans «Le cas du docteur Laurent» (1956), de Jean-Paul Le Chanois.
Jusqu’à la fin des années 60, Raymone continue d’alterner les silhouettes fugaces, comme la marchande de souvenirs de «La fête à Henriette» (1952), autre film très réussi de Julien Duvivier, ou la vieille prisonnière de «Prison de femmes» (1958), de Maurice Cloche, avec des rôles à peine plus consistants, mais qui lui donnent au moins un nom, comme cette cliente du docteur Cordelier, dans «Le Testament du docteur Cordelier» (1959), de Jean Renoir, ou la mère de Jean Yanne dans son dernier film, «Que la bête meure» (1969), de Claude Chabrol. Ce physique un peu effacé, Raymone l’a peut-être façonné de son humilité. Quand on lui demande, à la fin de sa vie, qui elle est, elle répond en effet, avec une modestie qui a tous les accents de la sincérité: «pas grand-chose». La seule chose qui lui semble compter, c’est de vivre en Suisse, le pays où elle s’est mariée et la terre natale de Blaise Cendrars, celle aussi où elle rend le dernier soupir, le 15 mars 1986.
© Jean-Pascal LHARDY
1920 | Tristan et Yseult – de Maurice Mariaud
avec Albert Bras
L’eternel féminin – de Roger Lion avec Rolla Norman |
1923 | La Venere nera – de Blaise Cendrars avec Amedeo Ciaffi |
1937 | La dame de pique – de Fédor Ozep
avec Pierre Blanchar
Ramuntcho – de René Barberis avec Louis Jouvet |
1938 | Café de Paris – de Yves Mirande
avec Jules Berry
Hôtel du Nord – de Marcel Carné avec Jean-Pierre Aumont La fin du jour – de Julien Duvivier avec Victor Francen |
1939 | Derrière la façade / 32 Rue de Montmartre – de Georges Lacombe & Yves Mirande
avec Lucien Baroux
Dernière jeunesse – de Jeff Musso avec Raimu Remorques – de Jean Grémillon avec Jean Gabin |
1940 | Untel père et fils – de Julien Duvivier
avec Michèle Morgan
La fille du puisatier – de Marcel Pagnol avec Fernandel |
1943 | Service de nuit – de Jean Faurez avec Jacques Dumesnil |
1944 | La boîte aux rêves – de Yves Allégret
avec Franck Villard
Le père Goriot – de Robert Vernay avec Pierre Larquey Mademoiselle X – de Pierre Billon avec André Luguet |
1945 | Mission spéciale – de Maurice de Canonge
avec Jean Davy
Film en 2 parties 1 : L’espionne 2 : Réseau clandestin La route du bagne – de Léon Mathot avec Lucien Coëdel Fils de France – de Pierre Blondy avec Jean Mercanton Mensonges – de Jean Stelli avec Jean Marchat |
1948 | Vire-vent – de Jean Faurez
avec Roger Pigaut
L’école buissonnière – de Jean-Paul Le Chanois avec Bernard Blier |
1950 | Sous le ciel de Paris / Sous le ciel de Paris coule la Seine – de Julien Duvivier avec Paul Frankeur |
1952 | La fête à Henriette – de Julien Duvivier avec Michel Auclair |
1955 | Mémoires d’un flic – de Pierre Foucaud avec Michel Simon |
1956 | Sous le ciel de Provence / Quatre pas dans les nuages ( era di venerdi 17 ) de Mario Soldati
avec Renato Salvatori
Le cas du docteur Laurent – de Jean-Paul Le Chanois avec Jean Gabin |
1957 | Le chômeur de Clochemerle – de Jean Boyer
avec Fernandel
Filles de nuit / Les filles de nuit – de Maurice Cloche avec Georges Marchal |
1958 | Prisons de femmes – de Maurice Cloche avec Danièle Delorme |
1959 | Le testament du docteur Cordelier – de Jean Renoir avec Jean-Louis Barrault |
1963 | Des pissenlits par la racine – de Georges Lautner avec Louis de Funès |
1969 | Que la bête meure – de Claude Chabrol avec Jean Yanne |